Traktor, c’est un des nombreux bébés de Native Instruments Software Synthesis GmbH (compagnie allemande donc). Il s’agit de l’autre poids lourd de la catégorie logiciels DJ face à Serato. Créée en 1996, la société était surtout connue pour ses instruments virtuels (Battery, FM7, Absynth) l’aventure DJ n’ayant quant à elle commencé qu’en 2000/2001. Traktor DJ et Traktor Studio sont un seul et même produit, la version Studio ayant quelques petits avantages sur la version DJ il y avait déjà dès le début chez NI (Native Instruments) cette notion de DJ et de producteur.
Sommaire mais efficace, un peu comme VisioSonic PCDJ (gros carton de la génération précédente), en revanche l’interface graphique est… germanique à souhait ! 2002 : la version 2 arrive sur le marché avec des fonctions midi avancées, la possibilité de modifier le canevas de l’interface (le layout !), un master tempo et des filtres/eq entièrement paramétrables.

Traktor 1 et Traktor 2 : la rigueur allemande se ressent visuellement…
Plus belle la vie : mais ça pue…
Coup du destin, en 2003 Stanton Magnetics cherche un logiciel pour l’associer à un boitier ce qui donnera Stanton + Native Instrument = Final Scratch.
Il faut savoir qu’à cette époque (1996-2004), tout le monde faisait de la recherche pour sortir le 1er une interface dj qui permettrait de contrôler un ordinateur depuis ses platines aussi bien par du timecode, que par des moyens optiques ou encore mécaniques. Je ne vais pas m’attarder sur qui a fait quoi, qui a raison ou tort, mais N2IT détient le brevet original sur la technologie DVS.
Cette fameuse compagnie N2IT a donc vendu sa technologie à Stanton, et le logiciel de l’époque qui tournait avec existait sur 2 systèmes d’exploitations loin d’être grand public : BeOS et Linux (2002). C’est le travail de Native Instrument qui a rendu l’ensemble grand public et permis à cette technologie de se démocratiser (2003). On est passé d’un truc bricolé par des geeks avec du potentiel mais aucun charme, difficile à vendre à quelque chose de plus passe-partout même si ça restait très spécifique.

FinalScratch avec et sans Traktor ainsi que les 2 générations de boitiers ScratchAmp
Il aura suffit à NI de sortir Traktor Scratch compatible avec l’interface Stanton (donc concurrent au logiciel Final Scratch lui même), pour que tout déraille en 2007 :
- N2IT accuse NI d’avoir volé/cloné leur technologie
- le divorce Stanton-NI est prononcé
- NI donne un chèque à N2IT
- Stanton se retrouve avec le ScratchAmp 2 (la nouvelle interface) sur les bras sans logiciel pour Final Scratch 2
- Final Scratch Open tente de séduire de nouveaux développeurs / éditeurs mais personne ne veut du colis piégé.
Epilogue : Stanton se retrouve à poils, NI a un truc grand public qui fonctionne, les clients font tous la gueule, la transition d’un système à l’autre est douloureuse aussi bien financièrement qu’émotionnellement.
N2IT qui ne fera plus aucun produit portera également plainte contre M-Audio et leur système Torq en 2009 pour faire valoir leurs droits sur la technologie DVS.
Après la pluie, le beau temps!
Autant Traktor était bien parti, autant l’épisode Finalscratch/Traktor Scratch a été une période confuse pleine de doutes autour de la section dj de NI. Mais en 2008, à la surprise générale, après le passage à 4 platines dans Traktor Pro, une interface matérielle fait pour la première fois son apparition chez NI : une carte son, l’Audio8 DJ qui enterre alors tout ce qui existe sur le marché.
Mais pourquoi NI tenait tellement à intégrer du DVS dans son logiciel plutôt orienté midi ?
Disons que le grand concurrent de son côté qui était 100% DVS commençait à vouloir faire du midi, alors forcément, il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas…
C’est à partir de là que les choses vont s’accélérer très rapidement sous l’impulsion de NI qui va quasiment diriger le marché, créer les tendances et entraîner tout le monde dans une course à l’armement : plus de 2 platines, les racks d’effets de très bonne qualité, le midi mapping avancé, la synchro avec d’autres logiciels, du streaming internet, un magasin en ligne intégré (Beatport). Les autres éditeurs doivent absolument suivre ou rester sur le carreau, mais il faut désormais proposer du matériel en plus de son logiciel afin de fournir des solutions clefs en mains de premier ordre. Cette nouvelle politique sera matérialisé dès 2009 avec le Kontrol X1, petit accessoire qui ne paye pas de mine mais qui va vite devenir un objet de désir et de convoitise aussi bien chez les DJs que chez les autres constructeurs et éditeurs.
Sortir du cadre
Mais chez NI, ils veulent créer la tendance et révolutionner les choses, et c’est ainsi qu’en 2010 ils sortent leur premier « vrai » contrôleur DJ, le Kontrol S4 avec une version spécifique du logiciel : Traktor Pro S4 qui annoncera la suite à travers les fameux remixs-decks (sampleurs évolués). Quelques mois plus tard en 2011, Traktor Pro 2 débarque et unifie la gamme de logiciel.

La gamme Traktor en 2011
On assistera en 2012 avec Traktor 2.5, à la simplification de la gamme Traktor/Traktor Scratch (disparition Duo/Pro) et enfin l’absence de renouvellement des Traktor LE (version « gratuites » livrées avec des contrôleurs qui ne sont pas fabriqués par NI).
NI prend la vague et surf sur le succès, le matériel Traktor comprend désormais aussi bien des contrôleurs dj tout-en-un, Kontrol S4, S2, S8 que des cartes sons Traktor Audio 10, 6, 2, des tables de mixages Kontrol Z2 et Z1, et enfin des contrôleurs accessoires Kontrol X1 etF1 : toute une galaxie rattachée à une marque et un produit… tiens ça me rappelle une histoire de pommes !

La gamme Traktor en 2012
Dans le monde du matériel DJ, aucune compagnie à l’heure actuelle n’est capable de proposer par elle-même une telle offre, maîtrisant aussi bien le côté matériel que logiciel.
Voir plus loin
A la sortie du Kontrol S4, ce qui avait frappé c’était la petite taille des plateaux et leur position excentrée signifiant par la même le peu d’importance que NI leur accordait mais ça, on le savait déjà (en essayant de mapper un jog en midi dans Traktor) .
Un très fort taux de DJs issus de la culture musique électronique (et non pas urbaine) a toujours assumé ne pas avoir besoin de molettes pour mixer, et NI a fait l’impensable : ils les ont supprimé sur le Kontrol S8. Un objet à destination des DJs qui n’aborde pas le plus basique de ses symboles : les 2 grands cercles. Même des objets 100% tactiles les avaient conservé (à titre posthume ?) tel que Nextbeat, SCS.3D, Pacemaker…

Traktor Kontrol S8
Il y a également toujours eu une frontière entre le DJ et le producteur, mais de nos jours, c’est souvent la même personne, et ça NI l’a compris très tôt en donnant la possibilité de produire des choses grâce aux remixs decks et la frontière se rétrécie de jours en jours car l’interaction entre les 2 mondes sera bientôt encore plus simple grâce à l’intégration très attendue de Maschine. Même pour la communication ils ont été les premiers à ne plus se rendre sur les salons dès 2009 en ayant compris que internet était beaucoup plus efficace. Les vidéos qui en mettent plein la vue, les DJ stars en acteurs, les produits en action, encore quelque chose qu’ils maîtrisent très bien chez NI. Et les Traktor Cookery Schools ça ne vous dit rien ? ^^ Même le dernier bébé le Traktor Kontrol D2 a bénéficié d’un teaser très remarqué au cours d’une soirée à la WMC 2015 de Miami.
Autosuffisance
Comme dans toutes les guerres de fans, il y a évidement une rivalité Serato/Traktor, (Nintendo-Sega, Sony-Microsoft, etc). Mais les stratégies diffèrent complètement, chez l’un on est passé d’un système fermé à quelque chose de plus ouvert tandis que chez NI ils ont décidé de vivre en autarcie, s’adapter aux autres n’est plus une priorité, la priorité c’est leurs produits pas ceux des autres. Et comme une autre compagnie qui pratique le même raisonnement, et bien NI est la seule compagnie DJ dont les sorties produits provoquent autant de débats, d’échanges d’idées et de remise en question. Serato n’a jamais provoqué ça car leur base est plutôt très conservatrice, tandis que chez NI, on se croirait presque chez Apple après une keynote…
Sources :
http://www.djtechtools.com/2011/02/11/the-history-of-traktor/
http://createdigitalmusic.com/2008/04/ni-ends-legal-dispute-over-traktor-scratch-digital-vinyls-twisty-turny-history/#more-3386
http://en.wikipedia.org/wiki/Final_Scratch
https://youtu.be/f8HzprRrSiw
Pingback: Chapitre 2 : L’évolution du matériel – Titre du site
Pingback: SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE – Titre du site
Pingback: – SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE – – Titre du site
Pingback: la techno (son histoire et son matos) – MusiK All